La langue a un rôle primordial dans le chant, bien plus qu’on ne l’imagine. Organe de l’articulation, elle a aussi un rôle de gouvernail dans la direction du son, sans oublier celui du toucher, exactement comme les doigts chez un pianiste ou autre instrumentiste.
La langue, organe de l’articulation
Un organe contorsionniste !
La langue est certainement l’organe le plus agile dans le corps.
17 muscles sont à son service pour la faire se mouvoir dans tous les sens.
Grosse masse dans la bouche, elle peut prendre toutes les formes : de la plus plate, comme une escalope (comparaison très poétique, je vous l’accorde) à la plus bombée et longue, telle une saucisse (encore plus poétique !).
Et avec cette grosse masse, nous allons former nos 24 consonnes ainsi que nos diverses voyelles.
Nous allons avoir à aller plus ou moins vite selon la fantaisie des compositeurs. Il va donc falloir la rendre très agile pour pouvoir correspondre à toutes leurs volontés.
Un travail de grande précision
Pour toute syllabe, plusieurs gestes à faire quasiment simultanément : ceux adaptés à la consonne et ceux de la voyelle.
C’est essentiellement la langue qui doit faire le travail. Attention à ce que la mâchoire reste très souple et les lèvres également. Les lèvres ne seront concernées que pour les consonnes labiales comme le m, b, p, et les labio-dentales : f et v.
Ne l’oublions pas, la bouche doit pouvoir s’ouvrir très rapidement selon les notes à produire. Et malgré cette ouverture de bouche, on doit pouvoir nous comprendre.
D’où l’indispensable autonomie langue-lèvres-mâchoires.
Veillez également à ce que le fond de la langue reste souple et détendu. Toute tension dans cette zone va entrainer une tension dans la gorge et le larynx.
La posture de repos va être une langue en suspension, en contact avec les dents du haut.
Quand la bouche est ouverte, la langue doit reposer souplement, suspendue, sur toutes les dents du bas, sans aucune contraction. Position de base qu’elle doit toujours retrouver.
Car la langue est directement liée au larynx, comme on le voit bien sur l‘image ci-dessus (image des muscles de la langue). Ce qui nous amène au deuxième rôle de la langue dans le chant.
La langue, gouvernail du son
Autre raison pour que la langue reste large et détendue : elle ne doit jamais faire bouchon aux sons qui viennent du larynx.
Les sons graves sonnent en bouche et bien vers le début de la bouche (en vert sur le schéma). Les sons aigus, eux, vont venir vibrer en dessus du palais (en bleu sur le schéma).
La langue doit aider à les conduire ainsi, grâce aux choix des voyelles :
- On va amener les sons soit totalement devant,
- soit plus en arrière pour les emmener dans le pharynx
Les voyelles ont donc un rôle important pour donner une belle sonorité quelle que soit la hauteur du son. Leur choix doit permettre une position optimale.
Un travail en synergie
Mais la langue ne travaille pas toute seule, elle a besoin de son compère le palais pour que le son puisse vibrer et sonner parfaitement.
Elle doit donc toujours être située à égale distance du palais, quels que soient les mouvements qu’elle fait. Cet espace doit permettre que nous sentions les vibrations, comme un aliment que nous savourons.
Les voyelles vont donc se comporter comme des objets sonores que l’on tient entre la langue et le palais. Ces deux organes sont toniques pour tenir le son.
Sur les longues durées du son, veiller à ce que la position reste identique tout le temps de la phonation. Ainsi l’on garde bien la même sonorité et la même hauteur, seul moyen de maintenir la justesse.
Et c’est donc là que nous abordons un savoir-faire de la langue, indispensable pour tout bon musicien, le toucher.
La langue, organe du toucher
Écoutez plusieurs pianistes ! Qu’est-ce qui va les différencier s’ils jouent sur le même piano ! Bien sûr, il y a leur sensibilité musicale… mais écoutez bien ! Ils n’ont pas le même toucher… Leurs doigts et toute la chaîne musculaire qui va avec va faire toute la différence.
La langue, c’est les doigts du chanteur.
Elle va toucher le palais, les dents, en divers endroits selon la consonne.
Et tout cela d’une manière différente selon la musique.
- 1 – labiales :m, b, p
- 2 – labio-dentales : t, f, v
- 3 – dentales : t, d, th
- 4, 5, 6 – palatales : n, l, s, ch, z etc…
- 7 – gutturales : k, g, jota (espagnol), r français
Musique rapide :
La langue doit être légère et plus pointue, l’espace en bouche sera petit pour raccourcir les gestes et permettre la vitesse et la précision. L’ensemble palais et langue sont très toniques et mobiles.
Musique ample et large :
La langue va être de même, l’espace en bouche sera plus grand. La langue va être plus lourde et moins agile. Attention à ne pas accumuler de l’air pour ne pas faire d’explosion, notamment au niveau des « t » (important quand on chante avec un micro !)
Musique caressante :
La langue va prendre le temps de faire les consonnes avec beaucoup de délicatesse pour apporter la douceur nécessaire.
Musique très tonique :
La langue va cogner contre les dents, le palais. Elle devient un instrument de percussion, avec un palais mou très musclé.
Vocalises très rapides et longues :
La langue va être légère, mais en plus elle doit être très mobile pour accompagner toujours le palais qui se modifie selon la hauteur. C’est ainsi que vous allez conserver le même espace de vibration en bouche. Vous devez toujours le ressentir comme si la voyelle était un délicieux aliment dont vous ne devez pas perdre le contact tout le long de la vocalise.
Quelques remarques ;
La langue met un certain temps à bouger, et donc il faut bien prévoir ce temps-là dans son travail : on va toujours respirer en ayant déjà la langue prête à faire la syllabe avec laquelle on commence la phrase. Et quand il y a un enchainement de consonnes, on enchaine comme si on arpégeait, avec un très léger petit « e » entre les consonnes. On doit aller très vite pour laisser la langue prendre sa place pour former les diverses consonnes à produire.
Ce travail est très précis, et comme pour les pianistes, cela demande du temps pour s’adapter à tous les besoins exigés par les compositeurs, notamment dans la musique classique où il y a plus de variété de gestes à produire.
À rapprocher de l’article La prononciation dans le chant
Vous retrouverez la photo des muscles de la langue et celle de la position du i dans le livre « La Structure du Chant » de Richard Miller.
L’image des lieux d’articulation est issue du pdf « Description articulatoire des sons de la parole«