La prononciation dans le chant

La prononciation dans le chant

Dans le chant, la prononciation est un travail très complexe. Il est rendu encore plus difficile dans le chant lyrique par la puissance et la hauteur des sons.

Mais pourtant, le texte est aussi important que la musique. Il impacte très fortement la musique, si bien, par exemple, que toute traduction va modifier le son obtenu !

En effet, chaque syllabe forme un accord avec la note. Il s’agit du même accord que les instrumentistes qui, eux, le font en combinant les notes entre elles.

Pour émettre une syllabe, nous avons deux gestes à faire, grosso-modo : celui de la consonne et celui de la voyelle. Bien sûr, selon les mots,vous aurez des syllabes avec plusieurs consonnes et plusieurs voyelles !
Nous allons détailler le rôle de chacun de ces éléments, chacun ayant un rôle bien défini.

Le rôle des consonnes et des voyelles dans la prononciation :

Si l’on compare un mot à une barrière, la consonne représente le poteau et la voyelle la barre transversale qui relie les barreaux entre eux.
La consonne va donc donner le rythme et le squelette du morceau, tandis que la voyelle apportera le legato. Si on veut un son très lié, il faudra donc veiller à n’arrêter la voyelle que juste avant de faire la consonne.

barrière

Au niveau de l’interprétation, la consonne exprime l’intensité du sentiment et la voyelle sa nature.

Par exemple, si vous avez à exprimer de la colère vous allez cogner votre consonne grâce à votre langue et vous choisirez une voyelle plus acide.

Au contraire, si vous exprimez de la tendresse, votre consonne devra être caressante et votre voyelle plus ouverte pour ne pas être agressive.

Je vous en dirai plus dans un prochain post sur le travail de la langue.

La prononciation des voyelles

Comment on fait les voyelles :

L’ouverture de la bouche n’a pas forcément une grande influence sur la formation de la voyelle. C’est plus la forme de la langue qui va déterminer le son ! Une bonne nouvelle puisqu’il va falloir faire des voyelles comme le « i » même dans les grands aigus où la bouche sera grande ouverte.
Et chaque voyelle se fait avec la langue, les bords bien posés sur les dents du bas, pour ne pas gêner l’ouverture de la gorge.
A voir dans le PDF ci-joint, radios prises pendant la phonation. Vous pourrez bien voir la différence entre les voyelles antérieures et postérieures.

Choisir sa voyelle selon l’interprétation et la hauteur :

En fait, il existe beaucoup plus de voyelles que l’on pense ! Et c’est ce choix qui va faire toute la différence !

Pour toute voyelle de base, vous avez au moins une voyelle antérieure et une voyelle postérieure. En voir les détails sur l’alphabet phonétique international (pdf).

Dans les notes graves, privilégiez les voyelles antérieures et pour les aiguës,  choisissez une voyelle postérieure. Si vous utilisez une voyelle antérieure sur un aigu, vous allez avoir un son trop acide, un peu criard, que j’associerai à la couleur orange. De même si vous utilisez une voyelle postérieure sur une note grave, vous allez assombrir la note.
Ceci peut être fait volontairement, en fonction de l’interprétation à donner. A vous donc de choisir la bonne couleur.

La prononciation des consonnes :

Le son de la consonne est obtenu par un rapprochement de deux organes, plus ou moins complet, avec ou non accumulation d’air.

Le classement des consonnes :

Vous avez 5 possibilités de combinaisons des organes :

  1. Rapprochement des lèvres : labiales : m, b, p
  2. Rapprochement de la lèvre inférieure avec les dents supérieures : labio-dentales : f, v
  3. Rapprochement du bout de la langue avec les dents : linguo-dentales :
    • explosives : t, d,
    • soutenues, avec rapprochement incomplet : les anglaises th
  4. Rapprochement de la partie antérieure de la langue avec le palais : linguo-palatales :
    • soutenues avec rapprochement complet : l, n, gn
    • soutenue avec vibration prolongée de la pointe de la langue : r
    • soutenues, avec rapprochement incomplet : j,ch, z, s
  5. Rapprochement de la base de la langue avec l’arcade palatine : linguo-gutturales :
    • explosives : k, g,
    • soutenus, avec rapprochement incomplet : jota espagnole

L’application dans le chant :

Pour être bien compris quand on chante, il faut bien prendre conscience des points de contact dans la bouche. Le rapprochement quand c’est le cas doit être franchement complet. Veiller à ne pas rajouter de gestes inutiles, notamment avec les lèvres ou les mâchoires. Très important, surtout dans les airs très rythmés. Plus le débit est rapide et plus le geste doit être petit et précis.

Selon l’expression à donner, le rapprochement se fera plus ou moins puissant, plus ou moins doux et long. Ne pas oublier que la consonne prend du temps et qu’il faut bien la préparer. On en tiendra compte pour bien garder le tempo.
Voici deux extraits : la Flûte Enchantée où l’impact des consonnes exprime bien l’énergie de la Reine de la Nuit, très impérieuse. Impact facilité par l’allemand.


L’air de Lauretta dans Gianni Schicchi, qui demande à son petit papa (Babbino) qu’il veuille bien aider son bien-aimé, d’où la douceur des consonnes et la rondeur des voyelles.


En fin de compte, avoir une bonne prononciation, c’est avoir conscience de nos sensations buccales et savoir les adapter à l’air choisi.


Un exemple de l’importance du texte avec des mélodies de « La Courte Paille » de Maurice Carême, mises en musique par Francis Poulenc pour la chanteuse Denise Duval, sa chanteuse fétiche. Une des rares chanteuses lyriques dont on comprend tous les mots. Archive 1960

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